Recherches

Séminaires GEFE 2011 et 2012

(Gouvernances de l’éducation, de la formation et de l’emploi)

Le LARGOTEC a organisé le séminaire bisannuel « Gouvernances de l’éducation, de la formation et de l’emploi » (GEFE 2011 et GEFE 2012), coordonné par Xavier PONS et Dominique GLAYMANN.

L’éducation, la formation et l’emploi sont trois domaines distincts mais reliés par différents enjeux, discours et acteurs communs. Il nous paraît donc utile de les aborder ensemble dans le cadre de l’axe de recherche du Largotec intitulé GOUVERNANCE MULTINIVEAUX ET POLITIQUES PUBLIQUES et avec l’objectif d’étudier la gouvernance et ses évolutions en actes.

Différentes questions et hypothèses étaient au cœur du séminaire de l’année 2011.

Il existe a priori de nombreuses interactions entre les trois domaines : l’éducation au sens le plus général du terme inclut des actions de formation même si elle ne s’y limite pas, la formation s’appuie notamment sur des méthodes éducatives même si elle en emprunte d’autres, l’éducation et la formation préparent à l’emploi même si ce n’est pas leur seul objectif, l’emploi constitue un moyen de se réaliser sur la base de ce que l’on a appris même s’il repose aussi sur d’autres mécanismes.

La complémentarité apparaît explicitement dans l’affirmation fréquente dans le débat public de besoins répétés de formation pour permettre aux individus de s’adapter à l’emploi (modèle adéquationniste français), dans la mise en accusation du système éducatif pour expliquer les difficultés d’insertion des jeunes dans l’emploi ou dans la façon dont se sont développés les stages comme outil à la frontière des trois domaines. Au niveau européen et international, divers organismes (Commission européenne, Banque mondiale, OCDE) pensent explicitement les liens entre ces domaines et invitent fortement les pays membres à développer l’apprentissage tout au long de la vie, au point que certains concluent à l’existence d’un « nouvel ordre éducatif mondial » et à l’épuisement des catégories d’action publique traditionnelles.

Faut-il en conclure que les gouvernances publiques et privées de l’éducation, de la formation et de l’emploi revêtent des caractéristiques similaires ou qu’au contraire elles empruntent des voies institutionnelles et des modes de régulation divergents ? Comment penser les articulations entre ces domaines et quelles sont leurs conséquences en matière de conduite de l’action publique ?

La démarche proposée consistait à réfléchir à partir de communications assises sur des travaux de recherche portant sur des domaines précis pour monter ensuite en généralités. Cela supposait de confronter une diversité de disciplines, d’approches et de terrains d’analyse comme le Largotec (puis le Lipha) en a l’habitude. Par ailleurs, les comparaisons internationales, et notamment entre pays européens constituent un axe important de recherche et de réflexion.

Le programme proposé en 2012 visait à réfléchir à partir de communications référant à des recherches qui portent sur des acteurs et des dispositifs de formation, d’insertion ou d’emploi et sur leurs effets.

Bénévolat et insertion professionnelle des jeunes diplômés : un impact sous conditions

Cette recherche a été réalisée par une équipe du Largotec coordonnée par Béatrice Barbusse (avec Vincent de Briant, Dominique Glaymann et François Grima) dans le cadre d’un contrat avec le Centre d’Études des Politiques Économiques de l’Université d’Évry Val d’Essonne (EPEE).

Colloque international : « Les stages et leur gouvernance en débat », juin 2010, Créteil

Colloque international organisé les 17 et 18 juin 2010 par le Largotec (Université Paris Est) avec le soutien du Conseil Régional d’Île-de-France, du Conseil général du Val-de-Marne, de l’équipe ETE (« Enseigner, transmettre, encadrer », Université d’Évry Val d’Essonne) et de l’Institut Universitaire de France.

Qu’il vise la découverte professionnelle, la formation à un métier ou le perfectionnement de pratiques, le stage semble devenu un passage obligé dans toute formation initiale ou un préalable nécessaire à toute intégration durable dans un poste de travail. On observe en effet une multiplication des stages au cours des deux dernières décennies même si la formation à certains métiers en inclut de longue date.

On constate aussi que les stages de plus en plus répandus y compris à l’Université posent question au sujet de leur mise en œuvre ainsi que de leur gouvernance. Ayant rarement constitué un objet d’étude légitime – sans doute parce qu’il s’agit d’un objet éphémère qui recouvre des réalités variées –, le stage est devenu visible ces dernières années à travers la dénonciation d’abus divers et de « mauvaises pratiques » (instrumentalisation du stagiaire, absence de formation et/ou de rémunération…), puis à l’occasion de la recherche de règles de « bonne gouvernance » de la part des pouvoirs publics comme des organismes de formation et des structures d’accueil des stagiaires, qu’elles soient publiques ou privées (charte des stages…).

C’est tant l’utilité et la pertinence des stages que les modalités de leur(s) gouvernance(s) qu’il convient alors de questionner.

L’essor du travail intérimaire : un symptôme de changement social ?

Thèse de doctorat de sociologie réalisée sous la direction de Jean-Pierre Durand (professeur des Universités, CPN, Université d’Évry Val d’Essonne) soutenue en 2003.

Qu’est-ce que la situation des intérimaires apprend sur les changements sociaux ? Pourquoi les firmes recourent-elles au travail temporaire (TT) ? Quel est le jeu des entreprises de TT dans cette évolution ? Comment les salariés en intérim vivent-ils leur situation ?

À côté d’éléments statistiques et biographiques, la réponse à ces questions s’appuie sur une enquête et de nombreux entretiens notamment avec des intérimaires et des salariés des agences en reliant parcours individuels et évolution du système d’emploi. L’essor du TT est emblématique de la flexibilisation et de la précarisation de l’emploi. Ces mutations du système d’emploi sont liées de façon systémique avec les transformations du système productif, la modification des normes d’intégration, et l’évolution du système de valeurs.

Le TT illustre les contradictions et les tensions que recèle le système d’emploi et qui sont génératrices d’une crise sociale latente qui pose question sur le devenir du changement social en cours.

Mots clés : intérim, intérimaires, travail temporaire, entreprises de travail temporaire, système d’emploi, système productif, système de valeurs, changement social, flexibilité, flexibilisation, précarité, précarisation, intégration, normes.

Essor des stages, professionnalisatrion de l’enseignement supérieur et mutation du système d’emploi

Habilitation à diriger des recherches en sociologie réalisé avec l’accompagnement de José Rose (professeur des universités, Laboratoire d’économie et de sociologie du travail, Université de Provence), soutenue en 2012.

L’essor des stages et les questions qu’il pose.

Cet essor constitue un objet social intéressant à explorer parce qu’il concerne l’évolution de l’enseignement supérieur et sa professionnalisation, l’évolution du système d’emploi (notamment la sédimentation d’une phase d’insertion professionnelle des jeunes et donc la relation formation/emploi), et plus largement le changement social en cours.

L’étude est partie d’un projet de recherche-action visant un triple objectif de connaissance, de compréhension et aussi de préconisation à destination des acteurs sociaux. Il s’est agi d’une recherche prolongée, pluridisciplinaire et collective, au sein du Largotec puis au sein du Restag à partir de sa création en 2010. Le recherche a mobilisé une pluralité d’instruments d’observation, d’outils d’analyse et de concepts théoriques permettant de situer le phénomène dans son contexte social, d’évaluer son poids quantitatif, de comprendre son cadre réglementaire pour entrer dans la compréhension de sa réalité au quotidien. Il s’agissait de saisir dans leur complexité et leur complémentarité les dimensions institutionnelle, organisationnelle et individuelle du stage en dépassant les évidences apparentes sur le rôle supposé des stages pour les jeunes en formation initiale.

Les principaux aspects qui ont été questionnés à propos de l’essor des stages sont les suivants :
- quelles raisons expliquent cet essor récent et massif dans nombre de formations supérieures ?
- quelles sont les imites à l’efficacité (contestable) du stage comme réponse aux difficultés d’insertion professionnelle des jeunes qui sont avant tout une question d’emploi ?
- quels sont les déterminants du sur-chômage des moins de 25 ans, y compris diplômés, en France et plus largement dans l’Union européenne dont ne suffit pas à rendre compte leur inexpérience ?
- comment fonctionne le « triangle du stage » (un dispositif, trois catégories d’acteurs aux attentes et aux objectifs différents, parfois contradictoires, parfois conciliables) ?
- que dire des trois apports potentiels des stages : enrichissement de la formation, socialisation et construction identitaire, voire rite de passage et contribution à la préprofessionnalisation ?

Quelques conclusions provisoires et partielles :

  • Un stage en cours de formation peut être très utile, mais pas mécaniquement.
  • Seuls de « bons » stages peuvent contribuer à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes diplômés sans que cela ne soit ni leur seul, ni même leur principal apport.
  • Des conditions nombreuses et exigeantes s’avèrent nécessaires (sur le contenu des missions et l’encadrement du stage tant du côté des établissements d’enseignement que des organisations d’accueil des stages) à la réalisation des apports potentiels. ;
  • Le stage n’est ni la panacée aux difficultés d’insertion et de stabilisation professionnelles des jeunes diplômés, ni le seul instrument de professionnalisation et de préparation à l’emploi.
  • Multiplier les stages est vain et même dangereux en risquant de faire croître des stages inutiles ou néfastes compliquant l’accès des jeunes diplômés à l’emploi par un effet de substitution.

Les mutations du système d’emploi et le changement social.

La recherche sur l’essor et la gouvernance des stages a tenté d’éclairer le sens (la direction et la signification) des mutations du système d’emploi et du changement social dans lequel elles s’inscrivent en poursuivant et en élargissant le travail précédemment mené sur le développement du travail intérimaire.

L’essor des stages (et de l’intérim) correspond à des faits sociaux :
- qui s’expliquent par des mécanismes sociaux et accompagnent d’autres évolutions du système productif et du rapport salarial avec lesquelles ils entrent en synergie ;
- qui produisent des effets sur le système d’emploi en étant à la fois des conséquences, des composantes et des accélérateurs de la transformation des normes de l’emploi (gestion et recrutement de la main-d’œuvre, rapport à l’emploi et au travail des salariés) ;
- qui transforment les modalités de socialisation et d’intégration sociale et participent d’un changement social qui, au moins provisoirement, affaiblit la cohésion sociale en fragilisant l’intégration d’une part de la population, en fragmentant le salariat et au-delà le corps social.

Cela s’inscrit dans un changement social assez massif marqué par une intensification du processus déjà ancien de mondialisation, une dématérialisation accrue de l’économie, une société de plus en plus « liquide », une accélération des rythmes techniques et sociaux, un capitalisme de plus en plus inégalitaire et un désenchantement renouvelé.

Ces transformations posent différentes questions, parmi lesquelles :

- un nouveau rapport salarial qui interroge sur la fragilisation du salariat et le devenir du mouvement de précarisation (généralisation ou multiplication de périodes passagères) ;
- le recul de « l’employabilité » des jeunes débutants dans ce contexte ;
- les façons de vivre la banalisation de l’insécurité professionnelle et sociale, « la déstabilisation des stables » ;
- les solutions possibles d’aménagement des phases transitoires de plus en plus fréquentes et de « sécurisation » des parcours professionnels ;
- les effets de l’alternance de phases dans des vies plus hachées et ne se limitant plus aux trois temps traditionnels (enfance et adolescence, âge adulte et vieillesse), en raison notamment de l’émergence de deux phases intermédiaires, celle de l’insertion professionnelle et celle de la sortie de la vie active.

Colloque « L’employabilité et ses usages sociaux », Créteil, 4-5 septembre 2014

Colloque organisé par le RT 25 « Travail, organisations, emploi de l’AFS avec le soutien du Largotec, du Centre Pierre Naville, du CEE et du programme européen Marie Curie.

Le terme « employabilité » est de plus en plus présent dans le langage médiatique, politique, syndical ou patronal. Favoriser, améliorer, développer l’employabilité est devenu un des leitmotivs des politiques d’emploi et de formation, un des objectifs prioritaires des conseillers de Pôle emploi, un devoir assigné aux chômeurs et aux salariés. Nombre d’employeurs en font un des axes de leurs politiques de recrutement, de formation et de GPEC. La notion d’employabilité est souvent utilisée par des chercheurs en gestion, en économie et en sociologie, ainsi qu’en droit ou en science politique dès lors que l’employabilité apparait dans différents textes conventionnels ou réglementaires. La construction de l’employabilité interroge aussi les sciences de l’éducation, l’histoire et revêt une dimension philosophique face à la qualification d’ « inemployable » attribuée à certains actifs.

Que recouvre le terme employabilité et pourquoi s’est-il autant répandu ces dernières décennies ? Comment a-t-il été construit, par qui et dans quels contextes sociaux ? Quels sens lui donnent les acteurs sociaux, économiques et politiques qui s’y réfèrent ? Quelles différences de signification peut-on observer dans différents pays, notamment au sein de l’Union européenne ? A quelles fins est-il mobilisé ?

Quels sont ses usages sociaux ? En quoi affecte-t-il les modalités de recrutement par les employeurs privés et publics, les dispositifs de formation initiale de plus en plus appelés à préparer l’insertion dans l’emploi et à professionnaliser les diplômes, l’accompagnement des demandeurs d’emploi et la réinsertion professionnelle ? La notion touche aussi aux orientations et au contenu des politiques d’emploi (dispositifs et contrats aidés) en interrogeant l’action des pouvoirs publics et des intermédiaires de l’emploi. Elle intéresse également les évolutions des règles de droit en matière de travail et d’emploi. Elle est enfin liée au contenu du travail, à son organisation et à son évaluation.

Quelle est la portée du mot ? A-t-il une pertinence scientifique : se référer à l’employabilité permet-il d’analyser et de comprendre le fonctionnement du système d’emploi ? Cela ne conduit-il pas à renvoyer à la responsabilité individuelle des chômeurs et des personnes mal insérées leur éloignement de l’emploi ? Est-ce un outil statistique améliorant la connaissance des sources du risque de chômage, de sous-emploi et d’emploi précaire, à comprendre pourquoi certains actifs y sont plus exposés et à trouver des solutions pour remédier à leurs difficultés ? Quel est son poids symbolique : comment son usage affecte-t-il le regard et la position des demandeurs d’emploi, des salariés des services qui les accompagnent et les indemnisent, des employeurs et des recruteurs, des politiques et des citoyens ? Quelle est son utilité pratique et académique : raisonner en terme d’employabilité est-il opératoire, illusoire ou manipulatoire ?

Ces questions qui intéressent la sociologie toujours encline à interroger le sens des mots comme leur émergence, leurs usages, leur place et leurs différents impacts, s’adressent plus largement aux disciplines qui les étudient dans le champ de l’emploi, du chômage, du travail, de la formation et la socialisation en intégrant une dimension comparative dans le temps et dans l’espace. Ce colloque sera l’occasion pour des chercheurs et à des doctorants en sociologie, en France et dans d’autres pays, de débattre en compagnie de chercheurs et des doctorants en économie, en gestion, en science politique, en sciences de l’éducation et en philosophie ainsi qu’avec des syndicalistes et des employeurs à qui nous avions adressé une interpellation sociologique sur le sens, l’utilité, la portée et les effets que recèle le recours au mot employabilité comme les usages qu’en font les acteurs sociaux, économiques, éducatifs et politiques.