Le rôle d’Internet dans la naissance du collectif Génération précaire et la mise à l’agenda socio politique de la gouvernance des stages

Présentation de la communication

Différents travaux de science politique, de sociologie ou de théorie de la communication ont interrogé l’impact d’Internet et des technologies de l’information et de la communication apparues au cours des dernières décennies sur l’essor d’organisations, de mouvements sociaux et de mobilisations collectives.

La construction du collectif Génération précaire par quelques personnes contestant le recours abusif à des stages entrant en contact via Internet constitue un exemple instructif pour montrer le rôle de cette innovation technique dans la rencontre, la mobilisation et la médiatisation d’un objet social, le stage, jusque là resté largement inaperçu dans l’espace public.

En quelques mois de la fin de l’année 2005 et du début de l’année 2006, le collectif Génération précaire parvient à faire de la question des stages un sujet médiatique majeur dans un contexte fortement marqué par la question du chômage des jeunes. Suite à un texte publié sur un blog personnel et à quelques échanges sur le net, un noyau de quelques « activistes » crée une dynamique citoyenne très efficace. Génération précaire organise plusieurs manifestations mettant en vedette des stagiaires masqués qui éveillent l’intérêt des médias, parviennent ainsi à alerter l’opinion publique et à inciter les institutions (pouvoirs publics, confédérations syndicales de salariés et syndicats étudiants) à ouvrir le dossier. Parallèlement, le site qui est créé recueille très rapidement des milliers de plaintes de stagiaires montrant l’ampleur du problème au moment où le projet de loi portant le Contrat première embauche (CPE) génère un mouvement social de grande ampleur.

L’un des résultats de cette mobilisation aura été la mise en route d’un processus de réglementation encore en cours et la création d’un comité de suivi des stages et de la professionnalisation des cursus universitaires (le comité Stapro) au sein du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche.

Dans le cadre de nos travaux de recherche sur le fonctionnement, les usages et la gouvernance des stages, nous avons eu l’occasion de nous entretenir à différentes reprises avec les fondateurs de Génération précaire et avec un certain nombre de stagiaires ayant témoigné sur leur site. Nous appuyant sur ce travail, nous voulons montrer dans notre communication la façon dont Internet a servi d’instrument de communication, de diffusion d’une problématique, d’organisation d’une mobilisation liée à la formation et à l’emploi et d’accélération dans l’émergence d’un objet social longtemps resté dans l’ombre.

On peut y voir une forme de « nouveau mouvement social » par lequel un nombre infime de personnes a réussi à devenir incontournable dans la négociation et la construction de nouvelles règles.

Cet usage d’Internet comme outil de médiatisation et de diffusion montre comment un nouvel outil technique devient un vecteur de mobilisation et d’invention de nouvelles normativités. En même temps, il importe de comprendre que cette fonction sociale d’Internet n’a pas d’explication techniciste, mais renvoie à une combinaison d’actions, d’argumentations et de réalités socioéconomiques et politiques qui permet à un instrument de faciliter, d’accélérer et en partie de modeler une dynamique démocratique.