Essor des stages, professionnalisation de l’enseignement supérieur et mutations du système d’emploi

HDR soutenue et obtenue le 20 novembre 2012

L’exposé organisé en deux parties présente d’abord la recherche en cours (depuis 2006) sur les stages dans les cursus de l’enseignement supérieur venant après avoir étudié l’essor de l’intérim, puis les interprétations en termes de mutation du système d’emploi et de changement social.

L’essor des stages et les questions qu’il pose

Un objet social intéressant à explorer parce qu’il concerne l’évolution de l’enseignement supérieur et sa professionnalisation, l’évolution du système d’emploi (notamment la sédimentation d’une phase d’insertion professionnelle des jeunes et donc la relation formation/emploi) et plus largement le changement social en cours.

Un projet de recherche-action avec un triple objectif de connaissance, de compréhension et aussi de préconisation à destination des acteurs sociaux. Une recherche prolongée, pluridisciplinaire et collective, au sein du Largotec puis au sein du Restag depuis sa création en 2010. Une recherche mobilisant une pluralité d’instruments d’observation, d’outils d’analyse et de concepts théoriques permettant de situer le phénomène dans son contexte social, d’évaluer son poids quantitatif, de comprendre son cadre réglementaire pour entrer dans la compréhension de sa réalité au quotidien. Il s’agit de saisir dans leur complexité et leur complémentarité les dimensions institutionnelle, organisationnelle et individuelle du stage en dépassant les évidences apparentes sur le rôle supposé des stages pour les jeunes en formation initiale.

Les principaux aspects questionnés à propos de l’essor des stages :
- les raisons expliquant cet essor récent et massif dans nombre de formations supérieures ;
- l’efficacité contestable du stage comme réponse aux difficultés d’insertion professionnelle des jeunes qui est avant tout une question d’emploi ;
- les déterminants du sur-chômage des moins de 25 ans, y compris diplômés, en France et plus largement dans l’Union européenne dont ne suffit pas à rendre compte leur inexpérience ;
- le fonctionnement du « triangle du stage » : un dispositif, trois catégories d’acteurs aux attentes et aux objectifs différents, parfois contradictoires, parfois conciliables ;
- les trois apports potentiels des stages : enrichissement de la formation, socialisation et construction identitaire, voire rite de passage et contribution à la préprofessionnalisation. Quelques conclusions provisoires et partielles : 1. un stage peut être très utile, mais il ne l’est pas mécaniquement ; 2. seuls de « bons » stages peuvent contribuer à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes diplômés sans que cela ne soit ni leur seul ni même leur principal apport ; 3. des conditions nombreuses et exigeantes s’avèrent nécessaires (sur le contenu des missions et l’encadrement du stage du côté des établissements d’enseignement et du côté des organisations d’accueil des stages) à la réalisation des apports potentiels ; 4. le stage n’est ni la panacée aux difficultés d’insertion et de stabilisation professionnelles des jeunes diplômés, ni le seul instrument de professionnalisation et de préparation à l’emploi ; 5. multiplier les stages est vain et même dangereux en risquant de faire croître des stages inutiles ou néfastes compliquant l’accès des jeunes diplômés à l’emploi par un effet de substitution.

Les mutations du système d’emploi et le changement social

La recherche sur l’essor et la gouvernance des stages tente d’éclairer le sens (la direction et la signification) des mutations du système d’emploi et le changement social dans lequel elles s’inscrivent en poursuivant et en élargissant le travail sur l’essor du travail intérimaire.

L’essor des stages (et de l’intérim) correspond à des faits sociaux :
- qui s’expliquent par des mécanismes sociaux et accompagnent d’autres évolutions du système productif et du rapport salarial avec lesquelles ils entrent en synergie ;
- qui produisent des effets sur le système d’emploi en étant à la fois des conséquences, des composantes et des accélérateurs de la transformation des normes de l’emploi (gestion et recrutement de la main-d’œuvre, rapport à l’emploi et au travail des salariés) ;
- qui transforment les modalités de socialisation et d’intégration sociale et participent d’un changement social qui, au moins provisoirement, affaiblit la cohésion sociale en fragilisant l’intégration d’une part de la population, en fragmentant le salariat et au-delà le corps social.

Cela s’inscrit dans un changement social assez massif marqué par une intensification du vieux processus de mondialisation, une dématérialisation accrue de l’économie, une société de plus en plus « liquide », une accélération des rythmes techniques et sociaux, un capitalisme de plus en plus inégalitaire et un désenchantement renouvelé.

Quelques questions que posent ces transformations :

- un nouveau rapport salarial qui interroge sur la fragilisation du salariat et le devenir du mouvement de précarisation (généralisation ou multiplication de périodes passagères) ;
- le recul de « l’employabilité » des jeunes débutants dans ce contexte
- les façons de vivre la banalisation de l’insécurité professionnelle et sociale, « la déstabilisation des stables » ;
- les solutions possibles d’aménagement des phases transitoires de plus en plus fréquentes et e sécurisation des parcours professionnels ;
- les effets de l’alternance de phases dans des vies plus hachées et ne se limitant plus aux trois temps traditionnels (enfance et adolescence, âge adulte et vieillesse) avec notamment l’émergence de deux phases d’insertion professionnelle et de sortie de vie active ;

Remerciements.

© D. Glaymann, Largotec (Université Paris Est), 2012